Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/230

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samment émue et calme. Ah ! vous êtes bien pour moi un frère, puisque je vous dis ce que je cache même à mon père. Je suis carmélite.

Il laissa échapper une exclamation d’étonnement et la regarda, ne sachant ce qu’il devait croire.

— Vous ne comprenez pas une carmélite hors de son cloître et de sa règle, mon cher Néel, — reprit-elle, — et pourtant c’est la vérité, ce que je vous dis. Je suis carmélite, et je vis au Quesnay près de mon père, et je ne porte pas l’habit de mon Ordre, et j’ai encore sur ce corps désormais consacré à la mortification et à la pénitence les livrées de ce monde auquel j’ai renoncé pour jamais. Une chose si extraordinaire et si nouvelle vous paraît incompréhensible, mais elle n’en est pas moins, mon ami. L’Église, dont les entrailles savent s’ouvrir et se dilater avec une inépuisable tendresse, a été pour moi plus qu’une mère. Elle a accepté ma foi et m’a fait participer aux mérites de ceux qu’elle enchaîne dans des liens sacrés, mais elle n’a pas voulu me séparer de mon père, croyant, dans sa sublime intelligence et dans sa sublime charité, que je pourrais mieux, en restant près de lui, le ramener à Dieu et sauver son âme.

Alors elle raconta à Néel de Néhou la particularité de sa vie qu’il ignorait encore. Dès