Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/245

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velure épaisse et magnétique qui avait les frissonnements, les ondoyances et les reflets d’un champ de blé mûr, sur ce corsage à la Niobé, auquel des grappes d’enfants devaient se suspendre, enfin sur tout cet ensemble de force et de santé qui la faisait ressembler, cette grande et belle personne, à un espalier de roses-pommes, entremêlées plantureusement à l’espèce de pêche que nos aïeux, moins prudes que nous, appelaient le téton de Vénus. Elle donnait si bien l’idée et de ces fruits et de ces fleurs, massés les uns avec les autres, qu’on l’avait peinte dans le salon de son père, un ruban incarnat dans les cheveux, tenant, à brassées, contre son sein rougissant, dans ses bras plus roses que sa robe rose, une corbeille de pêches vermillonnées, et ce portrait que j’ai vu encore dans ma jeunesse faisait, sous sa couche de poussière, venir l’eau salée du désir aux lèvres. Mais, — est-ce singulier ? — Néel n’avait jamais senti le besoin de tremper les siennes dans cette coupe où tout était rose, la coupe, la liqueur et l’écume !

À ses yeux, mademoiselle Bernardine de Lieusaint n’était qu’une de ces fraîcheurs, comme il y en a tant sous la coiffe carrée ou le bonnet rond des filles de Saint-Sauveur-le-Vicomte ou de Valognes. Pour le poète caché dans cet adolescent, pour cette jeune tête à