Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/281

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titude, que le mariage la sauverait. Faites-vous-en aimer ! »

Ce fut sous le coup de cette parole qu’il emporta en lui, comme un cheval saignant emporte dans son flanc l’éperon rompu de son maître, que Néel de Néhou (quand Calixte fut revenue de sa léthargie) réalisa cet acte inouï par lequel, — comme disait Sombreval, — il tenta de se faire aimer.

« Il a raison, le vieux Sombreval. L’amour est plus fort que tout, même que la mort, selon les Livres Saints, » se dit Néel, possédé par une délirante espérance, — l’espérance qui naît de la force de nos désirs ! Et il roula pendant des jours entiers, dans cette solitude qui met la tête en feu et change l’aspect des choses impossibles, ce problème qui a tué tant de cœurs acharnés à sa vaine poursuite : le moyen de se faire aimer !

En vain passait-il, par intervalles, dans cet esprit éperdu, cette vision, ce souvenir, cette confidence de Calixte : « qu’elle était l’épouse de Jésus-Christ, » il étouffait cela. Il se répétait : « On peut faire relever une fille si jeune de ses vœux, » et il reprenait l’ardent problème.

Fut-ce une intuition de la passion qui éclaira cet ignorant jeune homme ? mais il crut, comme s’il savait la vie, que le meilleur moyen