Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dard de foudre de cette malédiction qui aurait dû être pour lui la première flamme du feu de l’enfer, et voilà que les larmes de sa femme à l’agonie, ces larmes obstinées, renaissantes, inflexibles, le poursuivirent encore, même quand les yeux qui les répandaient furent fermés et n’en versèrent plus !

En vain fit-il le fort avec son beau-père, et, matérialistes l’un et l’autre, expliquant tout par des combinaisons de gaz et de fluides, croyant tenir le secret de la création dans le creux de leurs fourneaux et de leur main, se prodiguèrent-ils leurs abjectes consolations de physiciens sur cette mort soudaine d’une jeune femme tuée par un sentiment et par une idée.

Le cœur de l’athée, qui avait trouvé le néant au fond du calice où il avait bu le sang du Sauveur, sentit quelque chose qui s’engravait dans son âme et qui pourrait bien être immortel ! Ce fut le souvenir ineffaçable de ces larmes. Le sentiment paternel qu’il avait traité chez son père, le paysan, avec une si hautaine indifférence, le prit à son tour, en regardant cette pâle forme d’enfant, à peine venue, — à peine aboutie, — qui était une part de sa vie, à lui, le solide, le puissant d’organes et de chair. C’était une fille.

Il eut peur qu’elle ne vécût pas.

Le confesseur qui avait assisté en secret la