Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/46

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humaine. Je suis plus pour eux qu’un démon, je suis l’Enfer !!!

Mais Calixte ! mais Calixte ! cette lumière d’innocence ! ce cristal de roche de pureté ! cette pauvre et charmante martyre, qui croit le même Dieu qu’eux, qui mange le même Dieu qu’eux, à la table de la même communion ! Elle ! qu’elle, cette créature de dilection, cet agneau qui, comme celui de votre autel, monsieur le curé, vit couchée aussi sur une croix, ne soit pas seulement la victime des hideuses passions de son père, mais qu’elle les partage, ah ! les imbéciles et les fous ! Ils ne l’ont donc jamais regardée ! Et pourtant, ils l’ont assez vue dans leur église, à genoux, devant vous, qui l’aviez absoute et bénie et qui lui mettiez leur Dieu sur les lèvres, sans que la main vous tremblât, à vous prêtre, de l’idée que ce Dieu, votre juge et le sien, descendait dans ce cœur impur, qui avait menti pour être absous…

— Oh ! monsieur, oui, c’est insensé, — fit l’abbé Méautis, pressé d’interrompre cette colère juste, et qui souffrait de l’impiété farouche qu’on sentait vibrer à travers ce paternel amour, — oui, c’est insensé, mais, tout insensé que ce puisse être, si de tels propos, un tel bruit venaient, par un hasard impossible à prévoir, frapper l’oreille de votre Calixte, car on se tait