Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
PREFACE

qu’à la généroſité de Céſar qu’il doit tout ce qu’il y a de plus vertueux dans ſon repentir. Toute la grandeur d’ame, qui précède ſes remords, n’eſt fondée que ſur le ſyſtême de liberté qui a immortaliſé ſon ayeul : & à raiſonner ſur ce fondement, Brutus eſt véritablement plus grand que Céſar, puiſqu’il y a autant de gloire à rendre la liberté à ſa Patrie, que d’injuſtice à l’en dépouiller.

Je ne dirai rien des autres caractéres, puiſqu’on en a paru content. Je ſçais qu’on a trouvé Octavie un peu indifférente, ſur-tout quand elle apprend de la bouche d’Antoine que César la deſtine à Brutus ; mais comme l’hiſtoire ne lui a pas donné des paſſions bien vives, & qu’elle a toûjours préféré ſon devoir à ſes plus chers intérêts, je n’ai pas cru qu’il me fût permis d’en faire une Hermione ou une Roxane, & je me ſuis contentée de ne lui point faire démentir le caractére que je lui ai donné dès la premiere ſcene, où il ſemble qu’elle n’aime Antoine qu’en conſidération du zéle de ce Conſul pour Jules Céſar. Dans tout le reſte de la Piéce elle eſt ſi ſcrupuleuſement attachée à ſon devoir, qu’elle proteſte à Céſar que ſi une fois elle avoit épouſé Brutus, elle ſeroit ſi aveuglement ſoumiſe à ſes volontés, qu’elle lui garderoit un ſecret inviolable dans les entrepriſes même qu’il formeroit contre ſa vie.