Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/119

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Puis elle fut prise d’une morne frénésie. Elle rejeta, souleva, écarta ses vêtements, s’en débarrassa comme d’une prison vivante, et s’offrit à lui, toute dénudée, toute sacrifiée, avec sa blessure de femme et son cœur.

… La grande envergure sombre des vêtements s’ouvrit et se ferma.

Encore une fois, le mélange des corps et la lente caresse rythmée et sans borne eut lieu. Et encore une fois, je regardai la figure de l’homme pendant que la volupté l’occupait. Ah ! je le vis bien, il était seul !

Il pensait à lui ; il s’aimait ; sa figure, gonflée de veines, gorgée de sang, s’aimait. Il s’extasiait au moyen de la femme, instrument charnel égal à lui. Il pensait à lui, émerveillé. Il fut heureux de tout son corps et de toute sa pensée. Son âme, son âme jaillit, rayonna, fut toute sur son visage… Il flotta tout entier dans la joie… Il murmurait des mots d’adoration ; divinisé par elle, il la bénissait.

Ils ne sont pas unis parce qu’ils frémissent et se balancent en même temps, et qu’un peu de leur chair leur est commune. Au contraire, ils sont seuls jusqu’à l’éblouissement ; ils tombent chacun, ils ne savent où, la bouche et les bras entr’ouverts. Jouir ensemble, quelle désunion !

Maintenant, ils se relèvent, se dégagent du rêve brusquement affaibli qui les a jetés par terre.