Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/149

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voilà qui souligne, perfectionne la dramatique vérité entr’aperçue dans l’éclair féminin. Et Dieu, Dieu ? dit-elle. — Dieu ne peut rien faire pour les hommes. Il n’y a rien à faire. Il n’est pas l’impossible ; il n’est que Dieu.

« Et alors que font-ils, ces deux croyants inconsolables malgré Dieu ?… Ils reconstruisent confusément, souvenir par souvenir, leur vie, et ils l’adorent dans sa misère où il y avait tout. A côté de chacun de ces éclairs de joie ou d’orgueil que tout à l’heure ils disaient être des parcelles de Dieu, ils voient l’ombre qui le permettait, la faiblesse qui le préparait, le risque et le doute qui l’entouraient comme des soins, le tremblement qui lui donnait la vie… L’aspect de leur destin ainsi réellement revenant à leurs yeux se fond dans celui de leur amour, d’autant plus ébloui qu’il fut plus tourmenté. Si lui n’avait pas été pauvre, il n’aurait pas éprouvé toute la charité dont elle le combla, lorsqu’il s’approcha de sa lumière qui lui était nécessaire, et de sa bouche de femme au silence appelant !

« Il semble qu’ils revivent, qu’ils imitent cela… On dirait qu’ils se connaissent mal et que peu à peu ils se reconnaissent, s’évaluent et s’enlacent. L’ombre, disent-ils, nous la cherchions. Ils se voient l’un l’autre cherchant, pendant le jour, le crépuscule au cœur des chambres, au sein des bois. Ils contemplaient, ils comprenaient la nature. Ils la comprenaient trop et lui donnaient ce qui n’était pas à elle, lorsque leur émotion mortelle accordait un sourire suprême au soir…