Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

racornie par le sel et le vent, une ceinture troyenne, reste déjà à demi anéanti du carnage que dans des centaines et des centaines d’années chantera Homère.

« Le guerrier est arrivé sur un promontoire. Il a tendu la tête et dirigé ses regards sur la mer. Le nez est droit et fin ; la ligne du front tombe, nette, du fer du casque ; l’arcade sourcilière est curieusement avançante ; les cils battent sur l’œil étincelant ; mais c’est surtout sa main que j’examine, à moitié fermée, les ongles courts, le dos et les doigts d’une couleur brûlée tirant sur le rouge, comme sculptés dans la brique, les ongles bombés, cailloux incrustés.

« Il voit le rivage. Les matelots s’occupent de mettre à l’eau les carènes innombrables. On les traîne et on va les pousser jusqu’au large pour éviter la hache des récifs de la côte. La flotte grecque partira ce soir, puisqu’on ne peut naviguer que sous les étoiles, et elle appareille, tandis que le matin brille sur l’azur de la mer. »

Après cette contemplation de soleil, l’homme baissa son front dégradé.

— J’ai la vision d’une étendue d’eau. Je vois de près cette eau, ces flots qui, dans un silence absolu, clapotent, gris et argentés, sous une lumière étrange. Pourquoi cet infini silence ? Ils sont sur une autre planète, éloignée de je ne sais combien de centaines de siècles.