Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/167

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Lui était sec, brûlant ; ses paroles résonnaient du creux de sa vie ; elle, blanche et large, elle vibrait grassement, lumineusement.

Les yeux sur elle, il faisait un visible effort comme s’il n’osait pas l’atteindre avec une parole. Puis, il se laissa aller.

— Je vous aime tant, dit-il simplement.

— Ah ! dit-elle, vous ne mourrez pas !

— Comme vous fûtes bonne, répondit-il, d’avoir daigné être si longtemps ma sœur !

— Tout ce que vous avez fait pour moi, vous ! fit-elle en joignant les mains et en inclinant vers lui son buste magnifique, comme si elle se prosternait.

On entendait qu’ils se parlaient à cœur ouvert. Quelle chose admirable que se parler à cœur ouvert, sans réticence, sans l’ignorance honteuse et coupable de ce qu’on dit, et d’aller droitement l’un à l’autre ; c’est presque un miracle de rayonnement, de paix et d’existence.

Il se taisait. Il avait fermé les yeux, quoique continuant à la voir. Il les rouvrit sur elle.

— Vous êtes mon ange qui ne m’aimez pas.

En disant cela sa figure s’obscurcit. Ce simple spectacle m’accabla : l’infini du cœur qui participe à la nature : sa figure s’obscurcit.

Je voyais de quel amour il s’élevait vers elle. Elle le savait ; il y avait dans ses paroles, dans son maintien près de lui, une immense douceur qui, minutieusement, le savait. Elle ne l’encourageait pas, ne lui mentait pas, mais chaque fois qu’elle le pouvait, par un mot, par un geste tendu