Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/170

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à Paris jusqu’à la délivrance de la jeune femme, qui sera mère dans un mois, et qui doit faire ses couches dans une maison de santé du quartier. Mais l’homme est, dit-on, très malade. Mme Lemercier en est extrêmement ennuyée. Elle appréhende qu’il ne meure dans sa maison… Elle en est honteuse d’avance. La location s’est faite par correspondance, sinon elle n’aurait pas reçu ces gens — malgré la réclame que lui fait leur fortune. Elle espère qu’il durera assez pour pouvoir repartir ; mais quand on la rencontre, elle a l’air préoccupé.

… Quand je le revois, je songe que, réellement, il va bientôt mourir. Il est affaissé, les coudes aux bras du fauteuil, les mains pendantes. Il semble pousser avec effort son regard. Comme son visage est baissé, la clarté de la fenêtre éclaire non ses prunelles, mais le bord de ses paupières inférieures, de sorte que sa face a l’air écorchée. Un ressouvenir de ce qu’a dit le poète me fait trembler devant cet homme qui a fini, qui domine presque toute son existence d’une souveraineté épouvantable, qui est revêtu d’une beauté devant laquelle Dieu lui-même est impuissant.