Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/217

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Tout ce qu’avait caché sa robe, elle l’apportait à ses regards. Toute cette blancheur, qu’elle seule, jusqu’ici, avait vue, elle la donnait en holocauste à cette attention mâle, qui allait mourir, mais qui vivait.

Tout : son ventre lisse de vierge au large duvet d’or ; sa peau fine et soyeuse, d’une couleur si pure et si éclairée qu’elle avait par endroits des reflets d’argent et qu’on y voyait à la gorge et à l’aine transparaître un peu du bleu des veines, posé sur la carnation comme un frisson d’azur ; le pli que faisait sa taille portée sur le côté, et qui était, avec le léger collier vivant de son cou, la seule ligne qui fût sur son corps, et ses hanches larges comme le monde, et le regard limpide et troublé qu’elle avait quand elle était nue.

… Elle parla ; elle dit d’une voix de songe, allant plus loin encore dans le don suprême :

— Personne, — et elle appuya sur ce mot avec une insistance qui nommait quelqu’un — personne, entendez-moi bien, quoi qu’il arrive, ne saura jamais ce que j’ai fait ce soir.

Après qu’elle eût donné pour l’éternité un secret à l’adorateur abattu près d’elle comme une victime, ce fut elle qui s’agenouilla devant lui. Ses genoux clairs et brillants frappèrent le tapis vulgaire, et ainsi approchée, vraiment nue pour la première fois de sa vie, rougissante jusqu’aux épaules, fleurie et parée de sa chasteté, elle balbutia d’informes paroles de gratitude, comme si elle sentait bien que ce qu’elle faisait était au-dessus de son devoir et plus beau, et qu’elle en fût éblouie elle-même.