Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/224

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la possibilité de mal faire ; mais il lui a donné en même temps le libre arbitre lui permettant de choisir à son gré le bien ou le mal.

— Mais s’il a plus de mauvais instincts que de bons et qu’ils soient plus forts, comment lui serait-il possible de se tourner du côté du bien ?

— À cause du libre arbitre, dit le prêtre.

— Ce n’est qu’un bon instinct, le libre arbitre, et si…

— L’homme serait bon s’il voulait, voilà. Aussi bien, nous n’en finirons jamais à discuter l’indiscutable. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les choses iraient autrement si Lucifer n’avait pas été maudit et si le premier homme n’avait pas péché.

— Il n’est pas juste, dit le malade, ranimé par cette lutte, et qui sans doute allait lourdement retomber — que nous portions la peine de Lucifer et d’Adam.

« Mais surtout, il est monstrueux que ceux-là aient été maudits et punis. S’ils ont succombé, c’est que Dieu, qui les a tirés de rien, de rien, comprenez-vous, c’est-à-dire qui leur a donné tout ce qui était en eux, leur a donné plus de vice que de vertu. Il les a punis d’être tombés là où il les a jetés ! »

L’homme, toujours accoudé, et le menton dans la main, — maigre et noir, ouvrit grands ses yeux vers son interlocuteur, et l’écouta comme un sphinx.

Le prêtre répéta, comme s’il ne comprenait rien d’autre :