Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scientifique correspondante. La science dit que le son, la lumière, sont des vibrations ; que la matière est un composé de forces… Elle édicté un matérialisme abstrait. Elle remplace l’apparence grossière par des formules ; ou alors, elle l’admet sans examen. Elle soulève, dans un ordre plus complexe et plus ardu, les mêmes contradictions que le réalisme superficiel. Même au sein de son domaine expérimental ou logique, elle est obligée de se servir de données fictives, de suppositions. Si on la pousse du côté de la grandeur du monde ou du côté de la petitesse, elle reste court. En bas, elle s’arrête devant la question de la divisibilité de l’espace ; en haut, elle s’arrête devant le dilemme d’absurdités : « L’espace ne finit nulle part », ou : « L’espace finit quelque part ».

Pas plus que le bon sens, elle ne voit la vérité ; elle n’est d’ailleurs pas faite pour cela, puisqu’elle n’a pour but que la systématisation abstraite ou pratique d’éléments dont elle ne discute pas la réalité profonde.

La religion… Elle dit avec raison : le bon sens ment, la science ne s’engage à rien ; elle ajoute : nous ne serions certains de rien sans la garantie de Dieu. Et la religion a ainsi arrêté Pascal, en interposant son double fond entre la vérité et lui. Dieu n’est qu’une réponse toute faite au mystère et à l’espérance, et il n’y a pas d’autre raison à la réalité de Dieu, que le désir que nous en avons.

Ce monde illimité que je viens de voir s’élever contre moi ne repose donc sur rien ? Alors, qu’est-ce qui est sûr, qu’est-ce qui est fort ?