Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/275

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être est toute la vérité… » Je reviens à la parole de tout à l’heure : On ne meurt pas puisqu’on est seul ; ce sont les autres qui meurent. Et cette phrase qui se répand en tremblant à mes lèvres, à la fois sinistre et radieuse, annonce que la mort est un faux dieu.

Mais le reste ? En admettant que j’aie la sagesse toute-puissante de me débarrasser de la hantise de ma propre mort, il restera la mort des autres et la mort de tant de sentiments et de douceur. Ce n’est pas la conception de la vérité qui changera la douleur ; car la douleur est comme la joie, un absolu.

Et pourtant !… La grandeur infinie de notre misère se confond avec de la gloire et presque avec du bonheur — du bonheur hautain et glacé. Est-ce d’orgueil ou de joie que je commence à sourire dans les premières blancheurs de l’aube, près de la lampe assaillie par l’azur, à mesure que je me vois seul universellement !…