Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/288

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Tu seras pauvre pour ressembler davantage à toutes les femmes. Afin que nous puissions vivre, je travaillerai toute la journée, et je serai par là ton serviteur. Tu travailleras affectueusement pour nous dans cette chambre où, durant mon absence, tu n’auras près de toi que la pure et simple présence de ta machine à coudre… Tu pratiqueras l’ordre si bon, qui n’oublie rien, la patience longue comme la vie, et la maternité lourde comme le monde.

Je rentrerai, j’ouvrirai la porte dans l’ombre. De la chambre voisine d’où tu porteras la lampe, je t’entendrai venir : une aube t’annoncera. Tu m’intéresseras par l’aveu paisible, et sans autre but que de me donner ta parole et ta vie, de ce que tu auras fait pendant que je n’étais pas là. Tu me raconteras tes souvenirs d’enfance. Je ne les comprendrai guère, car tu ne pourras, forcément, m’en donner que des détails insuffisants ; je ne les saurai pas, je ne pourrai pas les savoir, mais j’aimerai cette si douce langue étrangère que tu murmureras.

Nous parlerons de l’enfant futur, et sur cette vision, tu pencheras ton front et ton cou blancs comme le lait, et nous entendrons d’avance le berceau se balancer avec un bruit d’ailes. Et fatigués, et même vieillis, nous ferons des rêves frais avec la jeunesse de notre enfant.

Après cette rêverie, nous ne penserons pas loin, mais tendrement. Le soir, nous penserons à la nuit. Tu seras pleine d’une pensée heureuse ; la vie intérieure sera gaie et lumineuse non par ce que tu