Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/305

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quand il y trouve son intérêt — Oh ! c’est un malin ; il sait se retourner. — Je comprends pourquoi sa mère disait l’autre jour : « C’est une girouette ! » — Qu’est-ce qu’il fera dans le journal de son père ? — Chef de la mise en ventre. — Non, metteur en pages. — Méchant ! Jamais il ne dit du mal des autres. — Non, surtout quand ils ont le dos tourné. — En tout cas, c’est un goujat, un malappris : l’autre jour, chez moi, il a dit que c’était bas de plafond ! — Il se croyait encore sous la table. — Bas de plafond, chez moi ! — Le fait est, chère Madame, qu’il y a des réverbères dans votre antichambre. — D’ailleurs toute la famille de notre amphitryon est d’une insigne grossièreté : je suis trop leur ami pour ne pas m’en être aperçu depuis longtemps. — C’est encore la nièce qui détient la palme. — Et puis quel genre elle a ! Elle est si peinturlurée qu’on ne sait jamais si c’est elle ou son portrait. — Elle est établie à son compte, n’est-ce pas ? — Oui, oui. Elle a dit l’autre jour (elle était dans une minute d’attendrissement) à cette sale petite journaliste qui ressemble à une cuisinière et qu’on appelle la Victoire de Chamocrasse, qu’elle gagnait à être connue. « Personne à Paris n’en doute », a répondu la rosse. Elle a des rêves de pureté, mais on ne peut pas redevenir comme ça une demi-vierge. — Il paraît, je vous dis ceci en grand secret, qu’elle est depuis quelque temps avec un vieux monsieur. Eh bien, on espère que c’est son père…

Ce « on espère » amena pour la première fois un léger murmure dans la salle, mais c’était une