Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/31

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presque éteint. Sa robe est de la couleur de l’immense crépuscule, de la couleur du temps comme dans les contes de fées.

Un souffle de parfum qu’elle porte, une odeur d’encens et de fleurs, vient à moi, et à ce parfum qui la désigne comme un vrai nom, je la reconnais : c’est la jeune femme qui, tout à l’heure, s’est posée près de moi, puis s’est envolée. Maintenant, elle est là, derrière sa porte fermée, en proie à mes regards.

Ses lèvres ont remué ; je ne sais pas si elle se parle tout bas, ou si elle chantonne… Elle est là, près de la blancheur triste de la fenêtre, près de l’image de la fenêtre dans la glace, parmi cette chambre indécise qui est en train de se décolorer ; elle est là, avec ses yeux sombres et sa chair sombre, avec la clarté de sa figure, que tant de regards ont caressée depuis qu’elle existe.

Son cou blanc, effrayamment précieux, se plie en avant ; le profil, tout près de la fenêtre, y appuyant du front, se noie de pénombre bleuâtre comme si la pensée était bleue ; et flottant sur la masse ténébreuse des cheveux, une faible auréole montre qu’ils sont blonds.

Sa bouche est obscure comme si elle était entr’ouverte. Sa main est posée sur le carreau céleste, comme un oiseau. Son corsage est d’une teinte pâle et cependant intense, verte ou bleue.

J’ignore tout d’elle, et elle est aussi loin de moi que si des mondes ou des siècles nous séparaient, que si elle était morte.

Pourtant, il n’y a rien entre nous : je suis près