Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/62

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J’avais cru, lorsque l’idée de l’adultère s’était imposée à mes yeux, lorsque la femme avait paru sur le seuil, chassée visiblement vers lui, assister à une joie béate non sans beauté dans sa plénitude, une joie sauvage et animale, importante comme la nature. Au contraire, cette entrevue ressemblait à un adieu déchirant.

— Nous aurons donc toujours peur ?…

C’est à peine si elle était un peu calmée, et elle avait dit cela en le regardant, anxieuse, comme si, vraiment, il allait répondre.

Elle frissonna, pelotonnée dans les ténèbres, serrant et pétrissant fébrilement de sa main la main de l’homme, — le buste érigé, les deux bras raidis. On voyait sa gorge qui montait et descendait comme la mer. Ils se tenaient, se touchaient ; mais un reste d’épouvante repoussait entre eux les caresses.

— Toujours peur… toujours peur… toujours… Loin de la rue, loin du soleil, loin de tout… Moi qui aurais tant voulu une destinée de lumière et de grand jour ! dit-elle, en regardant le ciel ; et son profil s’azurait à demi, tandis que ces paroles s’envolaient.

Ils ont peur. La peur les façonne, les fouille. Leurs yeux, leurs entrailles, leurs cœurs ont peur. Leur amour, surtout, a peur.

… Un sourire morne glissa sur le visage de l’homme ; il considéra son amie et balbutia :

— Tu penses à lui…

Les poings à ses joues, maintenant, accoudée sur ses genoux, la figure tendue en avant, elle ne répondit pas.