Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/95

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éperdu avaient-ils d’être seuls et cachés, — pour pousser ce pauvre cri de gloire qui ressemble à un cri de secours ; quelle abomination commettaient-ils, quel vice enfouissait leur étreinte ?

Je reçus un coup aigu au cœur. Les deux voix sont trop pareilles. Je comprends : ce sont deux femmes, deux amantes qui viennent dans la nuit se réunir étrangement !

Ah ! J’écoute… Jamais je ne me suis tant appuyé sur la nuit, et c’est vraiment de toute ma vie que, les mains jointes et les yeux crevés, j’interroge les noirs amants qui sont tombés là, dans le lit de l’ombre…

Je sens qu’une frémissante apothéose les a saisis :

— Dieu nous voit ! Dieu nous voit ! balbutie une des bouches.

Eux aussi ont besoin que Dieu les voie, pour s’en embellir ; comme les désolés, ils l’appellent à leur aide !

… Je doute maintenant que ce soient deux femmes. Il m’a semblé percevoir la gravité d’une voix mâle. J’écoute, je compare, je travaille ces lambeaux de voix, essayant encore, dans un effort suprême, de me débarrasser de l’ombre…

Puis c’est distinctement que je perçois la prière ardente qui se met à éclore, tout bas, les mots