Page:Barbusse - Pleureuses, 1920.djvu/16

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Et tu vas inquiète, et très calme et très seule,
Ô si jeune âme avec des mains comme une aïeule,
Toi qui, pauvre rêveuse, avais aux temps lointains
Dans les nuits de bonheur des songes enfantins,
Qui, bercée à la voix d’aurore qui se lève
Et souriante encor d’une écharpe de rêve,
Dans le ciel du matin n’as trouvé que l’azur !
Si le dieu de cœur simple est le seul dieu très pur,
Pleure la grande vie et tout ce que vous faites,
Ô vous qui souriez, ô ceux que tu rachètes
Quand lasse, dans les champs d’étés et de sommeil,
Tu sens se dévaster la pitié du soleil !
Et je te dis souvent que nous sommes sublimes
Et qu’il est un mystère, et que nous l’entendîmes ;
Et je te dis cela quand nous nous effleurons,
Quand le demi-sommeil laisse errer nos deux fronts
Et que la lampe est douce au fond de l’âme close…
Et sans me regarder, tu pleures d’autre chose.