Page:Barbusse - Pleureuses, 1920.djvu/240

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Seigneur, toi que l’on trompe et qui baisses la tête,
Tu sentiras, brûlé par le soir de longueur,
La faim qui crie en toi comme une grande fête.

Laissons les maladroits et les irrésolus
Qui prêchent d’oublier tout doucement, sans cause,
Et qui croient consolés ceux qui ne souffrent plus ;

Et le fou méprisant combien toute âme est close
Qui, de sa foi béate ivre de plus en plus,
Rêve de consoler quelqu’un ou quelque chose.

Tous ceux que la douleur n’a pas faits douloureux,
Au milieu du désert, sans haine, sans envie,
Les pauvres égarés qui peuvent être heureux ;

Ceux qui croient que l’amour mérite qu’on l’envie,
Ceux qui peuvent dormir quand la nuit est sur eux
Et qui nomment le ciel ce qui manque à la vie.