Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/21

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Un moment vint où notre auteur dut se demander quel ordre il suivrait dans l’exposition de son système. Nulle part, il n’a indiqué son plan. Trop modeste, le pauvre grand homme s’imaginait que tout le monde comprenait ce qu’il saisissait lui-même sans peine. Il aurait dù méditer le joli mot de Commynes parlant de ses lecteurs « Combien que leur sens soit grans, un peu d’avertissement sert aulcunes foiz[1]. » Moins pratique est de se borner à dire : « Si l’on veut chercher le dessein de l’auteur, on ne le peut bien découvrir que dans le dessein de l’ouvrage[2]. »

Des critiques, connus de leur temps, mais plus fa- miliers avec les règles de grammaire et les principes de littérature qu’avec les fondements du Droit public, ont affirmé qu’il n’y avait pas de suite, de lien, de chaine, dans la grande œuvre. Nous citerons, à titre d’exemple, l’abbé de La Porte, un contemporain de Montesquieu. Qui done a dit autrefois : « Ne sulor ultra crepidam » ?

On nous permettra d’aligner ici cinq ou six propositions, qu’un Anglais qualifierait sans doute de truisms.

1° Tout État est dirigé, d’après des règles plus ou moins fixes, par un Gouvernement composé d’une ou plusieurs personnes.

2° Les autres éléments essentiels d’un État sont : un Territoire plus ou moins étendu ; des Citoyens plus ou moins nombreux ; et des Richesses plus ou moins considérables.

3° Les conditions d’existence d’un Etat varient avec le Climat où il se trouve, avec la Nature du Sol qu’il possède, et avec les Mœurs et les Opinions des personnes qui en sont les membres.

4° Grâce au Commerce, les États se procurent respectivement les objets dont ils peuvent avoir besoin.

  1. Mémoires de Philippe de Commynes, liv. VI, chap. 1er.
  2. De l’Esprit des Lois, Préface.