Le transport des peuples peut être sujet à tant d’inconvéniens[2], il est si difficile de les conserver jusques à leur établissement, et jusques à ce qu’ils puissent se conserver eux-mêmes, qu’il faut avoir de très fortes raisons pour le faire.
Ceux qui font ces sortes de transport veulent ordinairement dépeupler une frontière par où pourroit venir un ennemi, et peupler quelque autre lieu de l’empire qui est inhabité. L’air est ordinairement mauvais dans un pays inhabité, et il faut observer si ce pays est inhabitable par sa nature ou seulement parce qu’il est inhabité.
Chabas, pour arrêter les Turcs, qui ordinairement attaquoient l’Arménie[3], la dépeupla. Il envoya vingt mille familles dans le Guillan, où elles périrent presque toutes à cause du mauvais air. Mais il envoya toute la ville de Julfa former un faubourg d’Ispahan et voulut que cette colonie fit le commerce des soles. Autant que la première colonie prospéra peu, autant vit-on celle-ci fleurir. Leur frugalité, leur bonne foi, leur économie, leur santé dans les voyages, leur religion l’y déterminèrent. Ce prince leur fil des avances.
On a envoyé de tout tems des colonies à Constantinople[4], et cette ville voit toujours périr ses habitans par des maladies, des pestes fréquentes et les abus du gouvernement[5]. Il est d’une grande importance de ne point porter les colonies dans des lieux pareils.
Une petite république, qui a beaucoup de peuple et un petit territoire, qui, souvent, est bornée à une ville qui peut être
- ↑ Ce titre est précédé de l’indication : « Chapitre [9, 6] 28. »
- ↑ En marge : « Le grand obstacle est qu’un pays est souvent inhabitable par la seule raison qu’il est inhabité. »
- ↑ En marge : « Tournefort, p. 278. »
- ↑ En marge : « Tournefort, p. 252. »
- ↑ Une note épinglée en marge est ainsi conçue : « J’en ai parlé dans le ch. De la Capitale, au l. 7e. »
- ↑ Il y a deux rédactions de ce chapitre dans les papiers de La Brède. Celle
