Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/119

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s pis. Il tenait à les faire pauvres, s’y appliquait, et il y a réussi. Sainte-Beuve le blâmait très justement d’avoir « dérimée » après coup la ballade Andalouse. Il lui reprochait aussi de se vanter trop souvent au public de l’avantage de mal rimer : (Les vers) « de Musset (Après une lecture), avec tout leur esprit, ont une sorte de prétention et de fatuité dont son talent pourrait se passer. C’est toujours de la réaction contre la rime et les rimeurs, contre la poésie lyrique et haute dont, après tout, il est sorti. C’est un petit travers. Il est assez original sans cela. Mais dès l’abord il a voulu avoir sa cocarde à lui, et il a retourné la nôtre. » (Lettre à Guttinguer, le 2 décembre 1842.) La nôtre, c’est la cocarde de l’école de la forme, que Musset craignait toujours de ne pas avoir mise assez ostensiblement à l’envers. Il aurait été désolé s’il avait pu lire le passage où M. Faguet, après avoir rendu justice à la pauvreté de ses rimes, se hâte d’ajouter : « Mais reconnaissons enfin qu’on n’y songe point en le lisant » : Pauvre Musset, qui a perdu ses peines en faisant rimer lévrier et griser, saule et espagnole, Danaë et tombé !

On lui reproche aussi ses rythmes classiques, ses césures régulières, ses négligences et sa facilité à se contenter. En d’autres termes, on lui reproche de n’être ni un précurseur ni un poète sans tache, et les deux sont vrais. Au moins serait-il juste de ne pas méconnaître qu’il a tiré un magnifique parti des ressources techniques auxquelles il s’était volontairement limité.