Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le canon pour orchestre, l’incendie pour éclairage et un parterre de vandales enragés. La garde mobile a été si admirablement intrépide que ce seul spectacle, heureusement, nous a donné encore de bons battements de cœur. C’étaient presque tous des enfants. Je n’ai jamais rien rêvé de pareil. »

Le Chandelier eut son tour en août, André del Sarto en novembre, etc. On en est venu à jouer l’injouable : Fantasio, et les Nuits.

L’une des causes de ce prodigieux succès fut que Musset, au théâtre, parut un novateur et un réaliste. Ses pièces n’étaient pas faites selon les formules, pas plus les formules romantiques que les classiques, et elles possédaient cette vérité supérieure qui est le privilège des poètes : « Chaque scène est une féerie, et cependant c’est vrai, c’est la nature ». Ces mots résument les impressions des premiers spectateurs, dont quelques-uns reprochaient même à Musset d’être trop « la nature ». Auguste Lireux en fait la remarque à propos de la première représentation des Caprices de Marianne (14 juin 1851). On « n’est pas habitué, dit-il, aux pièces naturelles, et à cette fantaisie si semblable à la vérité même, qui est le propre de M. Alfred de Musset ». Il ajoute qu’on aime trop le faux, au moment où il écrit, pour supporter facilement la vérité, et il résume ainsi la pièce : « Histoire trop cruelle, trop vraie ! » (Constitutionnel, 16 juin 1851).

Cependant, quelques personnes étaient scandalisées de l’engouement subit du public. Sainte-Beuve,