Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/170

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et ne venait pas à son secours. Cette agonie morale dura plus de quinze ans.

En public, ou dans ses lettres, il faisait bonne contenance et affectait la gaieté. Son extraordinaire mobilité lui rendait la tâche assez facile. Il s’amusait comme un enfant des moindres bagatelles. Les petits malheurs de l’existence, qu’il n’avait jamais trouvé de bon goût de prendre au tragique, avaient aussi le don de réveiller sa verve. On peut dire que ses perpétuels démêlés avec la garde nationale pour ne pas monter sa faction lui furent très salutaires. Il avait généralement le dessous et s’en allait coucher en prison. Quand il se voyait bel et bien sous clef à l’hôtel des Haricots, dans la cellule 14, réservée aux artistes et aux gens de lettres, il se trouvait tellement absurde, qu’il se riait au nez en prose et en vers. Tout le monde a lu Le mie prigioni, écrites dans la cellule 14 :

    On dit : « Triste comme la porte
      D’une prison »,
    Et je crois, le diable m’emporte,
      Qu’on a raison.

    D’abord, pour ce qui me regarde,
      Mon sentiment
    Est qu’il vaut mieux monter sa garde,
      Décidément.

    Je suis, depuis une semaine,
      Dans un cachot,
    Et je m’aperçois avec peine
      Qu’il fait très chaud, etc., etc.

Le mie prigioni ont un pendant qui est moins connu. C’est une lettre adressée à Augustine Brohan.