Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/177

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donne comme un forcené. Ils prennent l’inhumanité pour le signe de la force[1]. »

Inutile maussaderie ; il n’était plus au pouvoir de personne d’empêcher Musset de passer au premier rang, à côté de Lamartine et de Victor Hugo. Après les débauches de clinquant et de panaches des vingt dernières années, on revenait à la vérité et au naturel. Mis en goût de Musset par son théâtre, ceux qui l’avaient applaudi la veille à la Comédie-Française ouvraient ses dernières poésies, et la simplicité de la langue les ravissait. Ils rencontraient des vers dont le réalisme franc et savoureux répondait aux besoins nouveaux de leur esprit, et ils étaient non moins frappés de la sincérité des sentiments. A la question de la Muse dans la Nuit d’août :

   De ton cœur ou de toi lequel est le poète ?

eux aussi auraient répondu sans hésiter : « C’est ton cœur », et cela les attirait vers l’auteur comme vers un ami avec qui l’on peut s’épancher et ouvrir son âme. On s’abandonna à Musset. Ce qu’il devint en peu de temps pour les nouvelles générations, ce qu’il est resté pour elles jusqu’à la guerre, nul ne l’a mieux dit que Taine. La page qu’on va lire est de 1864. C’est la plus belle et la plus pénétrante qui ait été écrite sur la séduction presque irrésistible

  1. Écrit au lendemain de la première représentation de François le Champi (25 nov. 1849), et réimprimé avec la lettre de Brizeux dans les Notes et Pensées, mais sans indication de date.