Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/187

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quelque chose dont l’histoire de la poésie française n’avait pas encore offert d’exemple. »

L’opinion allemande ne lui a pas été moins favorable. M. Paul Lindau a consacré tout un volume à Musset[1]. Nous en résumons les conclusions : « Musset, s’il n’est pas le plus grand poète de son temps, en est certainement le tempérament le plus poétique. Personne ne l’égale pour la profondeur de l’intuition poétique, et personne n’est aussi sincère et aussi vrai. Il se peut que ses sentiments soient morbides, mais il les a éprouvés, et l’expression qu’il leur donne est toujours parfaitement loyale. Il hait la comédie du sentiment et les phrases. Il vit dans une crainte perpétuelle de se tromper lui-même…. Il aime mieux se mépriser que se mentir à lui-même…. »

« Cette absolue probité, cette franchise : voilà ce qui nous captive en lui et nous reprend toujours, ce qui nous le rend si cher. Grillparzer a dit que la source de toute poésie était dans la vérité de la sensation. Toute la poésie de Musset s’explique par cette vérité. Quand il se trompe, c’est de bonne foi…. »

M. Paul Lindau rappelle en terminant que Heine « appelait Musset le premier poète lyrique de la France ».

Rien n’a manqué à sa gloire, pas même le périlleux honneur de faire école et d’être imité comme peut l’être un poète : par ses procédés, le choix de ses sujets, son vocabulaire, ses manies, ses petits

  1. Alfred de Musset, Berlin, 1876.