Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/28

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tout cela dans quelque bon historien ? Cela est toujours plus vrai et plus exact ».

« Toi qui as lu l'Hamlet de Shakespeare, tu sais quel effet produit sur lui le savant et érudit Polonius ! —Et pourtant cet homme-là est bon ; il est vertueux, il est aimé de tout le monde ; il n’est pas de ces gens pour qui le ruisseau n’est que de l’eau qui coule, la forêt que du bois de telle ou telle espèce, et des cents de fagots. Que le ciel les bénisse ! ils sont peut-être plus heureux que toi et moi. »

On sent que Musset est en proie au malaise qui s’empare souvent des très jeunes gens lorsqu’ils s’aperçoivent, au moment de commencer à penser par eux-mêmes, qu’ils sont devenus étrangers au cercle d’idées dans lequel ils ont été élevés. Cette découverte les trouble comme un manque de piété filiale, en attendant qu’elle flatte leur orgueil. En 1827, le romantisme fermentait dans les veines de la jeunesse. Elle savait par cœur les Méditations et les Odes et Ballades. Elle se passionnait pour Shakespeare et Byron, Goethe et Schiller. La préface de Cromwell allait paraître, et les adversaires de la nouvelle école poétique se préparaient à la résistance ; on voyait déjà se former les deux camps qui devaient en venir aux mains à la première d'Hernani. Alfred de Musset était jeune entre les jeunes, et l’on conçoit son indignation quand le vieux marquis lui faisait observer, avec raison du reste, que Plutarque mérite plus de confiance que Shakespeare,