Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/34

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Charles Nodier, les deux frères Deschamps, s’accoutumèrent, à l’exemple de Victor Hugo leur chef et leur maître, à avoir ce gamin dans les jambes. Ils l’admettaient aux discussions littéraires dans lesquelles on posait en principe que le romantisme sortait du « besoin de vérité » (exactement comme on l’a dit du naturalisme un demi-siècle plus tard) ; que « le poète ne doit avoir qu’un modèle, la nature, qu’un guide, la vérité » ; qu’il lui faut, par conséquent, mêler dans ses œuvres le laid au beau, « le grotesque au sublime », puisque la nature lui en a donné l’exemple et que « tout ce qui est dans la nature est dans l’art »[1].

On arrêtait devant lui ce que serait la poétique nouvelle : « Nous voudrions un vers libre, franc, loyal,… sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d’alexandrin ; plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille ; fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d’élégance et de facture. »

On l’emmenait dans les promenades esthétiques où le Cénacle, Victor Hugo en tête, s’exerçait aux sensations romantiques, et il faut bien avouer que Musset n’y apportait pas toujours des dispositions d’esprit édifiantes. Ses compagnons prenaient au

  1. Préfaces des Odes et Ballades et de Cromwell.