Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/56

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veille de Noël à une lecture de la Coupe et les Lèvres et d'A quoi rêvent les jeunes filles. La séance fut glaciale. Quand on se quitta, la séparation était consommée entre le nourrisson du romantisme et le Cénacle. Musset était désormais un isolé. Il l’avait voulu et cherché.

Son nouveau volume parut tout à la fin de 1832, sous ce titre : Un spectacle dans un fauteuil. La critique s’en occupa peu. Sainte-Beuve fit un article (Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1833) où Alfred de Musset était discuté sérieusement et classé « parmi les plus vigoureux artistes » du temps. Un journal le loua chaudement ; deux autres l’exécutèrent avec de gros mots : indigeste fatras, oeuvre sans nom, fatigantes divagations ; la plupart lui firent dédaigneusement l’aumône du silence. Leur attitude maussade ne se démentit point dans les années suivantes, et elle répondait à celle du gros public. Musset était retombé brusquement dans l’ombre. Le vrai succès, celui qui ne s’oublie plus et classe définitivement un écrivain, s’est fait beaucoup attendre pour lui. Il a vu sa gloire avant de mourir ; mais il n’en a pas joui longtemps. Les raisons de cette longue éclipse sont assez complexes.

Il y avait un peu de sa faute dans l’aigreur des journalistes. Sous prétexte qu’il ne leur en voulait nullement de leurs injures, il n’avait pas caché sa joie gamine de ce que tous, ou à peu près, s’étaient laissé prendre à la Ballade à la lune. En franc étourdi, il s’était moqué sans pitié, dans les Secrètes