Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/64

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ademoiselle, on m’a dit que vous êtes la sœur de M. Alfred de Musset ? —Oui, monsieur, j’ai cet honneur-là.—Vous êtes bien heureuse, mademoiselle. » Mme de Musset-Pathay ajoute que toute l’École polytechnique ne jure que par lui (13 février). Au moment où Mme de Musset-Pathay traçait ces lignes, la jeunesse de son fils était finie. Il avait vingt-trois ans. Les six années écoulées depuis sa sortie du collège avaient été des années légères. Elles sont résumées dans une de ses chansons, d’une mélancolie souriante :

    J’ai dit à mon cœur, à mon faible cœur :
    N’est-ce point assez d’aimer sa maîtresse ?
    Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
    C’est perdre en désirs le temps du bonheur ?

    Il m’a répondu : Ce n’est point assez,
    Ce n’est point assez d’aimer sa maîtresse ;
    Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
    Nous rend doux et chers les plaisirs passés ?

    J’ai dit à mon cœur, à mon faible cœur :
    N’est-ce point assez de tant de tristesse ?
    Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
    C’est à chaque pas trouver la douleur ?

    Il m’a répondu : Ce n’est point assez,
    Ce n’est point assez de tant de tristesse ;
    Et ne vois-tu pas que changer sans cesse
    Nous rend doux et chers les chagrins passés ?

   (1831)

Le temps est passé de l’insouciance heureuse. Nous arrivons à la grande crise de la vie de Musset. Il va aimer vraiment pour la première fois, et il ne trouvera plus que les chagrins d’amour sont « doux et chers ».