Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/84

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France, écrit George Sand, il n’a plus rien compris. » Au lieu du saint enthousiasme de jadis, il n’éprouvait plus que de l’irritation quand ses deux amis le prenaient pour témoin de la chasteté de leurs baisers : « Le voilà qui redevient un être faible, soupçonneux, injuste, faisant des querelles d’Allemand et vous laissant tomber sur la tête ces pierres qui brisent tout ». Dans son inquiétude, il ouvre les lettres et clabaude indiscrètement.

George Sand contemplait avec horreur le naufrage de ses illusions. Elle avait cru que le monde comprendrait qu’il ne fallait pas juger leur histoire d’après les règles de la morale vulgaire. Mais le monde ne peut pas admettre qu’il y ait des privilégiés ou, pour parler plus exactement, des dispensés en morale. Elle lisait le blâme sur tous les visages, et pour qui, grand Dieu ! pour cet Italien insignifiant, dont elle avait honte maintenant.

Il y avait six mois qu’ils étaient tous dans le faux, travaillant à se tromper eux-mêmes et à transfigurer une aventure banale. Ils allaient payer chèrement leurs fautes.

George Sand consentit à dire un dernier adieu à son ami ; non sans peine ; un instinct l’avertissait que cela ne vaudrait rien pour personne. Le lendemain, Musset lui écrivit[1] : « Je t’envoie ce dernier adieu, ma bien-aimée, et je te l’envoie avec confiance,

  1. Cette lettre a été publiée dans l'Homme libre du 14 avril 1877.