Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/91

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t’exaltait comme un beau poème, tant que je me refusais à toi, et qui ne te paraît plus qu’un cauchemar à présent que tu me ressaisis comme une proie… » : ce passé devait infailliblement le faire souffrir. Il faut absolument se séparer ; ils seraient tous les deux trop malheureux : « Que nous reste-t-il donc, mon Dieu, d’un lien qui nous avait semblé si beau ? Ni amour, ni amitié, mon Dieu ! »

Une lettre de Musset, qui a l’air de s’être croisée avec la précédente, accuse un trouble encore plus grand. Il est consterné de ce qu’il a fait. Il n’y comprend rien ; c’est un accès de folie. A peine avait-il fait trois pas dans la rue que la raison lui est revenue, et il a failli tomber au souvenir de son ingratitude et de sa brutalité stupide. Il ne mérite pas d’être pardonné, mais il est si malheureux qu’elle aura pitié de lui. Elle lui imposera une pénitence, et lui laissera l’espoir, car sa raison ne résisterait pas à la pensée de la perdre. Il lui peint une fois de plus son amour avec l’ardeur de passion qui fait de ces lettres des Nuits en prose.

Elle se laisse fléchir et pardonne. Musset est ivre de bonheur—ils se revoient—et George Sand reprend la plume avec découragement : « Pourquoi nous sommes-nous quittés si tristes ? Nous verrons-nous ce soir ? Pouvons-nous nous aimer ? Tu as dit que oui et j’essaie de le croire. Mais il me semble qu’il n’y a plus de suite dans tes idées, et qu’à la moindre souffrance tu t’indignes contre moi comme contre un joug. Hélas ! mon enfant, nous nous aimons,