Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/93

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du tout si vous m’aimez et soyez sûr que c’est fini à jamais entre lui et moi. » (15 nov., à Boucoiran.)

Ce n’est toutefois qu’une accalmie. Le ton de ses lettres change bien vite. A Musset : « Paris, mardi soir, 25 décembre 1834.—Je ne guéris pourtant pas,… je m’abandonne à mon désespoir. Il me ronge, il m’abat…. Hélas ! il augmente tous les jours comme cette horreur de l’isolement, ces élans de mon cœur pour aller rejoindre ce cœur qui m’était ouvert ! Et si je courais, quand l’amour me prend trop fort ? Si j’allais casser le cordon de sa sonnette, jusqu’à ce qu’il m’ouvrît sa porte ? Si je m’y couchais en travers jusqu’à ce qu’il passe ? —Si je me jetais—non pas à ses pieds, c’est fou, après tout, car c’est l’implorer, et, certes, il fait pour moi ce qu’il peut ; il est cruel de l’obséder et de lui demander l’impossible ; —mais si je me jetais à son cou, dans ses bras, si je lui disais : « Tu m’aimes encore ; tu en souffres ; tu en rougis, mais tu me plains trop pour ne pas m’aimer…. » Quand tu sentiras ta sensibilité se lasser et ton irritation revenir, renvoie-moi, maltraite-moi, mais que ce ne soit jamais avec cet affreux mot : dernière fois ! Je souffrirai tant que tu voudras, mais laisse-moi quelquefois, ne fût-ce qu’une fois par semaine, venir chercher une larme, un baiser qui me fasse vivre et me donne du courage.—Mais tu ne peux pas. Ah ! que tu es las de moi, et que tu t’es vite guéri aussi, toi ! Hélas, mon Dieu, j’ai eu de plus grands torts certainement que tu n’en eus, à Venise…. »