Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/97

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Au premier moment, ils furent tous les deux soulagés, et cela se conçoit. George Sand eut une crise de foie, après quoi elle en vint très vite à l’indifférence. Musset se crut aussi guéri (Lettre à Tattet, 21 juillet 1835), mais il se trompait ; quelque chose s’était brisé en lui, laissant une plaie incurable.

D’aucun côté—cette remarque est essentielle pour la connaissance de leurs caractères,—d’aucun côté il n’y a trace, au début de la rupture, de l’abîme de rancune et d’irritation que les mauvais services de leur entourage allaient creuser entre eux, et à leurs dépens. Ils s’écrivent encore de loin en loin, pour un renseignement, une personne à recommander, et persistent à se défendre l’un l’autre contre les médisances. La Confession d’un Enfant du siècle, où Musset, ainsi qu’on l’a vu, dresse un autel à son amie, a paru en 1836, et George Sand écrivait à cette occasion : « Je sens toujours pour lui, je vous l’avouerai bien, une profonde tendresse de mère au fond du cœur. Il m’est impossible d’entendre dire du mal de lui sans colère…. » (A Mme d’Agoult, 25 mai 1836.) Deux ans plus tard, les Nuits ont paru. Les amis n’ont pas cessé d’exciter les ressentiments. On sent l’approche des hostilités. George Sand à Musset : « Paris, 19 avril 1838 : Mon cher Alfred (un premier paragraphe a trait à une personne qu’il lui avait recommandée),… je n’ai pas bien compris le reste de ta lettre. Je ne sais pourquoi tu me demandes si nous sommes amis ou ennemis. Il me semble que tu es venu me voir l’autre hiver,