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L’APPEL AU SOLDAT

Saint-Phlin fit encore remarquer que l’Université enseigne mille niaiseries moins utiles que cet agréable raccourci agricole : « Une poignée de paille donne deux poignées de fumier qui donneront une poignée de blé ou de seigle. » Dans cet ordre, il semblait inépuisable, citant un trait pittoresque du calendrier : « À Noël, les jours croissent du saut d’un veau ; à la sainte Luce, du saut d’une puce ; aux Rois, du bâillement d’un coq ; à la saint Antoine, du repas d’un moine. » Et cet autre où Sturel apprécia une manière plus mystérieuse : « Le soir de la Messe de minuit, quand c’est le vent d’ouest qui donne, il pousse le pain dans la soupière ; quand c’est la bise, elle le pousse dehors. »

C’est certainement curieux, se disaient-ils, ce besoin qu’ont les plus humbles groupes humains de renfermer leur sagesse dans des phrases agencées, comme les sauvages sculptent les calebasses où ils déposent leurs boissons.

Saint-Phlin, excité par son sujet, pressait sa grand’mère de leur parler patois. Elle parut peu flattée d’exceller dans un ordre qui lui semblait vulgaire.

— Avec les gens de la ferme, on est bien forcé de connaître des mots qui correspondent aux choses de la culture. Ainsi le « gein », c’est une file d’ouvriers travaillant dans un champ sur une même ligne et qui s’avance à mesure que l’ouvrage se fait ; l’« ettamont », c’est le premier morceau coupé dans une miche de pain ; la partie maigre du lard s’appelle « breuson » ; un œuf dont la coquille est molle se dit « adre » ; la veillée d’hiver au village et le lieu où elle se tient se disent « acrogne » ; « caouau »,