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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

la vigne sur les pentes, les fonds vaporeux, douze petits hommes là-bas qui travaillent près d’un cheval et d’une voiture et dont on entend un peu les voix, oui, tout cela si délicatement se réjouit qu’on est plein de sympathie, et l’on accorde qu’il y a un élément moral dans le frisson de beauté et que, pour être tout à fait belles, les choses doivent être bienfaisantes.

La matinée s’écoulait, l’instant arriva où la végétation de juillet sous un soleil enfin chaud prend toute son ampleur et pendant quelques heures trouve des puissances qui dépeuplent la campagne. Sturel approuvait l’interprétation de Claude le Lorrain proposée par son ami.

— Mais, ajouta-t-il, cette harmonie des tons, cette pondération, ce bon ordre, cette délicatesse poétique, pour agrandir leur paix mosellane jusqu’à la majesté qu’on voit dans son œuvre, ce grand artiste les complète avec de magnifiques monuments et des ruines… Ah ! que notre conscience lorraine vaudrait davantage, si elle avait l’orgueil de quelques grands souvenirs !

Saint-Phlin saisit avec empressement cet éveil chez son ami :

— Bouteiller, dès le collège, aurait dû nous ouvrir les yeux sur notre race qui n’est pas sans gloire. Du moins tu vas la connaître au cours de ce voyage, et tu déblayeras en toi des ruines mémorables.

Proche de Bayon, ils distinguèrent sur la rivé gauche, à Neuvillers, le beau château bâti par Chaumont de la Galaizière, l’administrateur exécré que la France plaça comme premier ministre auprès du dernier duc Stanislas Leczinski.