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L’APPEL AU SOLDAT

nuée d’impressions se lever des uniformes, des visages prussiens, des inscriptions officielles. Tout les traitait trop clairement de vaincus chassés, d’étrangers tolérés et suspects.

S’il vous est arrivé de passer après des années devant l’appartement où vous vécûtes avec vos parents votre petite enfance heureuse, et si vous avez donné suite à votre soudain désir de visiter ces chambres occupées maintenant par des inconnus, vous les avez traversées avec cette contrainte, avec ce malaise mêlé de mélancolie agréable qu’éprouvent Sturel et Saint-Phlin, et comme eux vous disiez : « Quoi ! si petit, le lieu de souvenirs si nombreux et si grands ! »

Metz, qui gêne l’Univers, est une ville resserrée et basse, aux rues étroites, et cerclée par l’ancien système de ses murailles françaises, comme un vieux bijou mérovingien monté sur fer. Quand ils eurent visité, au hasard de leur après-midi, les maisons de la rue des Tanneurs, la rivière derrière la Préfecture, les nombreux ponts de la Seille et de la Moselle où s’offrent des vues pittoresques, les vieilles portes militaires, la vénérable cathédrale avec le cortège de ses filles, églises et chapelles :

— Eh quoi ! se disaient-ils, nous ne savions pas les maisons si humbles et si vieilles. Toutes ces rues dont les noms émeuvent les émigrés, et qui, parfois, telle la Serpenoise, ancienne route de Scarpone, nous relient au monde romain, ne sont que d’importantes ruelles où les fenêtres qui se font face voisinent.

Devant ces modestes magasins, aux enseignes encore françaises, et tandis qu’ils coudoyaient d’innombrables soldats et quelques indigènes, de types aisés à distinguer, ils crurent comprendre que Metz