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L’APPEL AU SOLDAT

loppés quelques instants d’accord, ils se séparaient à la façon d’une branche vigoureuse qui se divise en deux rameaux. L’instinct qui les décidait spontanément, l’un à prendre le fil normal de la vie, l’autre à chercher une aventure, les avertissait de leur diversité naturelle. Mais quelle que fût leur contrariété de cet obscur malentendu., aucun d’eux ne songeait à dénier les obligations intellectuelles et morales contractées envers son compagnon de route, et bien souvent, par la suite, Sturel devait se répéter :

— Si j’avais pensé le monde comme j’ai pensé la Lorraine, je serais vraiment un citoyen de l’humanité ; du moins, ma conscience m’autorise à me déclarer un Français de l’Est. J’aime et j’estime Gallant de Saint-Phlin, en dépit de sa prudence qui s’exagère et qui me contrarie, parce que je le connais formé par les siècles pour être mon compatriote.

Et Saint-Phlin, de son côté, eut plusieurs fois l’occasion de rendre témoignage à Sturel :

— C’est une graine emportée par le vent, disait-il, et qui peut fleurir sur le meilleur ou sur le pire terrain, mais elle y portera nos qualités héréditaires et montrera aux étrangers ce que vaut la plante lorraine.