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L’APPEL AU SOLDAT

Londres, Rœmerspacher, donnant à son père et se donnant à lui-même le prétexte de recherches aux Archives, était demeuré à Paris.

Une toute petite voiture traînée par un âne les attendait au sortir du train pour gravir une longue côte. Rosine, fraîche, gaie, avec de beaux cheveux et vêtue de choses très claires, fit mille gentils tutoiements à Mme de Nelles, qu’elle interrogeait comme une enfant à qui l’on dit : « Tu n’as besoin de rien ? Es-tu contente ? » Il n’y avait que deux places derrière l’ânon. Rœmerspacher marchait à leur côté, sous le grand soleil, au long d’une route qui serpentait parmi les fleurs et les arbres fruitiers. À mesure qu’on s’élevait, la vallée apparaissait domptée, morcellée comme la nature des environs de Paris, et par là plus propre aux sentiments fins et sociables.

Ils visitèrent tout, le petit jet d’eau qui marchait, par exception, en leur honneur, le coin du jardinet où il y avait la plus belle vue, le pêcher qui porte sa première pêche, et ils s’amusèrent à aimer toutes ces choses, pressentant qu’elles garderaient dans leur mémoire le prestige des talismans. Rosine les laissa seuls trois grandes heures qui leur parurent trois minutes. Ils les passèrent dans la demi-obscurité d’une pièce fraîche, puis, quand l’ombre fut venue, assis sur un muret d’où les petits pieds de Thérèse pendaient dans le vide.

Ils se trouvaient très occupés. Leur tendresse s’exhalait par tous leurs mouvements. Il faisait un air d’orage, facile à supporter pour un homme ou pour une femme laide, mais lourd pour une personne délicate, et qui contraignait Thérèse d’une manière dont elle souriait. À la fin, cependant, elle