Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
457
LA PREMIÈRE RÉNION DE JERSEY

militaire ou des inquiétudes de l’exil ? Sturel croit que toutes les régions de la France capables de s’exalter pour un homme sont imbibées par les effluves boulangistes ; il voudrait que le Général trouvât dans un programme une nouvelle force de pénétration. Il se fie à la toute-puissance des idées servies avec continuité, mais peut-être un héros a-t-il le droit de dédaigner les cristallisations lentes. C’est Boulanger qui fournit la conclusion applaudie de ce long débat :

— Je vois, dit-il, votre volonté bien précise d’assurer le triomphe, d’ailleurs certain, de nos amis aux élections municipales de Paris.

Et voilà Une idée qui rallie les élus, parce que le parti en sera fortifié, et les blackboulés, parce qu’ils comptent se dédommager avec un mandat de conseiller.

Une telle séance, de si vains discours étourdissent Sturel, le diminuent légèrement, mais le laissent jeune et heureux. Parmi ces hommes optimistes et aventuriers, c’est-à-dire d’un commerce charmant, il fume, cause, se dépense, et tous, ces bons courtiers électoraux éprouvent un vrai bien-être de clore une discussion dont ils ne voient plus le but, et de se dérouiller un peu les jambes. Maintenant, ils s’empressent autour du chef aimé qui signe et distribue des photographies.

Malgré sa dispersion, Sturel presque involontairement enregistre des images. Il compare ce Général-ci au Général de la rue Dumont-d’Urville. Il voit l’œil voilé parfois et la tristesse si noble chez un homme de cinquante ans. Tandis que chaque mouvement de Boulanger, sa manière de marcher, ses jolies poses