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« LAISSEZ BÊLER LE MOUTON »

Général ; cette fois encore, il eut honte de son pédantisme devant ce soldat d’éducation pratique : il tut quelques vues sur l’économie du corps social, dans lesquelles il voyait des principes capables de maintenir liées pour une action durable les masses soulevées par la crise boulangiste. La mortelle langueur de Sainte-Brelade, de cette grève où Boulanger se tenait à la disposition du flot, l’envahit. Depuis Paris, il s’était dit : « Si le Général voulait ! » il pensa depuis Jersey : « Quand la France voudra ! » Il se rallia à l’idée que les fautes des parlementaires seraient pour le boulangisme la meilleure plaidoirie et le meilleur acte. Il accepta la formule où le Général se résumait : « Laissez bêler le mouton. »

Sturel revint à Paris, comblé des témoignages de l’exilé et de Mme de Bonnemains. Il ne rapportait aucune panacée pour le salut public, mais du moins une leçon très importante pour son développement propre. Il se méfia davantage de son enthousiasme indéterminé, et, sans perdre l’énergie qui l’animait et qui lui permettait d’idéaliser la tâche boulangiste, il comprit la nécessité de s’appuyer sur une série de réalités.

Tout d’abord, il s’avisa qu’il devait prendre soin lui-même de sa dignité et que, bon pour une crise héroïque, il se diminuerait à tourner au bureaucrate du Palais-Bourbon. Soucieux de sa gloire propre, et sans chercher autrement à rendre son état d’esprit intelligible pour ses amis et pour Boulanger, il envoya sa démission au président de la Chambre.

Il s’occupa de la Voix du peuple, journal hebdomadaire boulangiste, avec Pierre Denis, et dans une