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L’APPEL AU SOLDAT

guerre, avec une chance de vaincre, que l’incertitude d’une paix telle que, si leur bon plaisir la rompt, nous serons sûrement écrasés. » — « Eh bien ! quoi ! dit Grévy, quand même vous livreriez une bataille sur la Marne au lieu de la livrer sur la Saar… Vous savez bien qu’il s’agit seulement de sauver l’honneur. Vous dites : En mobilisant, j’ai une chance sur deux de gagner la bataille. Moi, je vous réponds que nous n’avons pas une chance d’être vainqueurs, et dès lors, je préfère nous ménager l’hypothèse où il y a une chance que nous gardions la paix. »

Boulanger fut digne de ses responsabilités. En civil, avec ses officiers d’ordonnance, il quitta Paris de nuit, traversa Bar-le-Duc, Nancy, Épinal. Derrière son passage merveilleusement secret, tandis que des baraquements s’élevaient en hâte, que des quais étaient construits et les troupes doublées, la figure des chefs militaires, magnifique de confiance, confirmait l’enthousiasme des foules. Partout on commentait avec orgueil la première phrase de la Nouvelle Instruction pour le combat : « Seule l’offensive permet d’obtenir des résultats décisifs. »

Au sortir de cet état de tension, la France, qui venait de guetter l’Allemagne et son propre pouls, demeura fière d’avoir gardé son calme, d’avoir paru raisonnable et brave à l’Europe. Elle avait vu son chef crâne, actif et confiant. Il fournissait à de puissantes et très simples associations d’idées. Elle avait rêvé Metz et Strasbourg repris sous la conduite du général Boulanger ; du moins elle eut Bismarck reculant. Des images d’un tel relief ne s’effaceront plus. Il devient « le général Revanche ». Illusion d’une amoureuse, elle lui aurait dit volontiers : « Quand on a