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AUTOUR DE LA GARE DE LYON

de personnes parmi lesquelles Renaudin. À Villeaeuve-Saint-Georges, on s’arrêta. Boulanger se lava chez le chef de gare. Son train le rejoignit, amenant encore des amis. Il évita de se prononcer sur ces adieux populaires :

— Ouf, il faisait chaud ! — répétait-il avec bonne humeur.

Renaudin, impassible comme un aide-de-camp au milieu des boulets, demandait des ordres. Il lui commanda de relever le nom des employés qui l’avaient entouré :

— Je veux leur envoyer un souvenir.

Il serra toutes les mains, invita ceux qu’il connaissait à venir le voir à Clermont. Quand il monta dans son compartiment rempli de fleurs, la gare et tout le train criaient : « Vive Boulanger ! »

Seul maintenant, tandis que le mécanicien s’efforce de vitesse pour regagner le temps perdu, il se repose de cette tempête populaire… Oui, vraiment, il a eu chaud… Mais il n’a pas cédé, il est parti, faisant son devoir de soldat… Tout de même gentils, ces innombrables braves gens, avec leurs visages tendus qui le suppliaient de rester. Et il sourit au souvenir de cet étrange patriote qui faisait de la voltige en son honneur.

Le voici tout de son long couché sur la banquette. La lumière qui tombe du plafond éclaire fortement les deux caractères de sa physionomie : au-dessus de l’arcade sourcilière il a un renflement, une touche vigoureuse qui marque la volonté, et le bas de la figure révèle infiniment de bonté.

Il aime à plaire aux foules. Il a toujours joui, quand on battait aux champs et qu’on lui présentait