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LEURS FIGURES

Des huées accompagnèrent ces divers personnages. Le pompeux Floquet eut les yeux gros de larmes. Les magistrats, inquiets que tout ne sautât, touchaient à ces nobles témoins avec les précautions des gens de police quand ils transportent une marmite à renversement.

Le directeur d’une publication opportuniste, M. Ferrari, de la Revue Bleue, fut si charmé du tour d’esprit qu’avait montré en l’occurrence le policier Soinoury que, séance tenante, il l’engagea comme collaborateur.

Le représentant du ministère public, M. Laffon, créature de Léon Bourgeois, requit avec les grands mots d’honneur et de vertu qu’il laissait tomber en époussetant son rabat d’un air dédaigneux et fatigué. Ce n’était plus que l’immoralité et la satiété d’une fin de carnaval, autour de six pauvres hommes, à la fois reniés et absous par ce public, de la même manière à peu près que des filles qui se recoiffent sont contemplées par des noceurs.

À la buvette du Palais-Bourbon, en fin de séance, on organisait volontiers des délégations qui venaient voir « ce bon Béral » et « la tête de Gobron » : histoire de s’accoutumer aux risques professionnels ! Le dernier jour, sur les bruits d’acquittement, M. de Nelles, moins déprimé et qui voulait payer d’audace, se joignit à l’une de ces caravanes. Aux guichets du Palais de Justice,