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UN ROI QUI SE FORME

administrations, la peur fait le dernier chapitre de toutes les vies. Les hommes âgés et considérables sont uniformément caractérisés par leur timidité en face de toute résolution. Ils hésitent, s’éternisent en paroles, remettent au lendemain. Leur grande pratique des intérêts et l’autorité de leurs services, tout cela, la peur le paralyse. Mais les plus apeurés, ce sont les politiques. Chez tous ces parlementaires qui pérorent si haut et qui grouillent si dru, il y a des parties réservées, le coin de la peur.

Peur de quoi ?

Un peu de peur, le matin, en ouvrant leur courrier, les journaux de leur arrondissement, les lettres de leur comité ; un peu de peur, dans les couloirs, s’il faut refuser tel vote, s’aliéner celui-ci, se différencier de celui-là ; un peu de peur, même chez l’orateur le plus habile, quand il s’agit de prendre position à la tribune. Mais suffisent-elles, ces palpitations, à expliquer que tous les hommes politiques meurent d’une maladie de cœur ?

À Suret-Lefort, jeune homme sans imagination, qui n’admet pas qu’il y ait quelque chose derrière les nuages et qui, pour tout dire, n’a jamais remarqué les nuages, cette législature réservait une démonstration, sensible comme des coups de bâton et irréfutable comme des pièces de cent sous, que dans cette époque de liberté de