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LEURS FIGURES

Le procureur général recommandait un moyen transactionnel :

— Le soulèvement de l’opinion ne permet pas l’inaction du magistrat ? Eh bien ! évitez la poursuite correctionnelle et tenez-vous-en à une action en responsabilité intentée par le liquidateur dans l’intérêt des actionnaires et obligataires. Les administrateurs n’étant plus passibles que de dommages et intérêts ne tiendront pas à compliquer leur cas en parlant de corruption, et, d’ailleurs, n’avez-vous pas un gage : Lesseps père, à qui vous mettriez les menottes ?

M. Christophle, gouverneur du Crédit Foncier, consulté par le gouvernement, indiqua le même expédient.

M. Loubet voulait que l’affaire fût purement et simplement classée. Mais cette solution qu’il n’osait pas imposer à M. Ricard, il prétendait que le procureur général prît sur soi de la réaliser. Et, merveilleux avilissement du pouvoir ! M. Ricard de son côté, bien résolu à ne point résister au cri public de « justice ! lumière ! » cherchait, pour se couvrir contre la rancune des concussionnaires, à laisser au procureur général l’initiative des poursuites.

Cependant ce magistrat, répugnant à servir de boucher, répétait à l’un et l’autre ministres :

— Je ne suis qu’un agent d’exécution, c’est à vous qu’appartient la décision. Je demande des ordres formels.