Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Française » voulait disposer les esprits à entendre ces voix lointaines, si elle préparait quelques mesures propres à faciliter ce grave enseignement national par la terre et par les mort, quel service elle rendrait à notre connaissance de nous-même ! Elle raffermirait nos destinées.


Les morts, d’abord ! On les aime en France et non seulement les héros représentatifs, les phares de la Patrie, mais les anonymes, les obscurs.

C’est à Paris que s’est établi l’usage de se découvrir devant un cercueil. Les communards exilés l’ont importé à Bruxelles, à Genève. M. Louis Ménard a écrit sur ce culte des morts une des pages les plus émouvantes de la haute littérature contemporaine :

« Si vous voulez savoir comment une religion commence, ce n’est pas les philosophes qu’il faut interroger ; regardez dans la profondeur des couches sociales, vous y verrez les deux mots qui sont gravés sur la grosse cloche de Notre-Dame : Defunctos ploro. Une famille est réunie pour l’anniversaire d’un grand deuil. La place du père est vide à la table commune. « Il est toujours au milieu de nous, dit la mère. Il veille sur ceux qu’il protégeait et qui sont réunis en son nom. Qu’il maintienne entre nous tous la paix et la concorde ; prions-le de nous aider à supporter les épreuves de la vie et d’écarter celles qui seraient au-dessus de nos forces.